Ce n’était pas à cause du foot. Loin de là. La preuve en est ; aucun adversaire ne fut agressé. Joueurs, staff et supporters étaient loin de toute détraction. Ce fut contre la tyrannie. C’était, plutôt, pour la liberté, la dignité. Pour l’humanité tout court.
C’était contre les outils du système. Primitifs, dégradants, burlesques, abusifs, lamentables, criminels, … Policiers en somme. Des outils de répression sans merci. Les victimes étaient tellement mélangées. Il y avait des écoliers, des étudiants, des chômeurs, des fonctionnaires, des retraités, … Mais qu’ils aient été enfants, adolescents ou adultes, hommes ou femmes, cela importait peu pour leurs bourreaux. Un seul mot d’ordre régnait : les massacrer pour leur faire peur. Peu importe la couleur qu’ils portent. Ils doivent comprendre qu’ils n’avaient aucunement le droit à une expression libre ou à un traitement humain, aussi minimal qu’il soit.
Mais, ce jeudi là, les victimes en avaient assez. Ils ont, souvent, passé l’éponge en espérant des lendemains meilleurs. Rien n’en fut. Pire. Cela empirait chaque semaine. Des arrestations abusives, des procès expéditifs et des châtiments qui défient toute justice. Parce que, de toute façon, il n’y avait pas de justice.
Ils ont, alors, sonné le glas. La révolte a commencé. Que la manière soit singulière ou limitée, peu importe. C’était très significatif d’un refus catégorique de toute cette machine à tuer qui faisait régner la terreur sur tout un pays. Une révolte contre un système mafieux qui abusait de son pouvoir pour assommer ce qui restait des petits champs de liberté encore, accessoirement, accessibles.
Il aura suffi d’un mauvais geste policier pour que les clashs éclatent. Ils opposaient des assassins vêtus d’uniformes et armés jusqu’aux dents à des civils non armés que de bonne volonté et de foi inébranlable. Une foi exemplaire et un amour indéfectible qui défiait les lois de la nature. Un amour pour la patrie et un amour pour l’humanité.
Des années sont passées et l’émoi est toujours vif dans nos cœurs. Une pensée spéciale à nos amis décédés, emprisonnés, tabassés et humiliés par toutes sortes d’instances policières et judiciaires entre les mains du tyran. Assassinés ou maltraités et incarcérés pour avoir crié liberté et humanité. Aujourd’hui, il est de notre devoir d’éclaircir la lanterne de tout le monde sur les quatre vérités ayant façonné la relation du système tortionnaire « zabatiste » au public sang et or. On ne s’arrêtera, jamais, assez sur toutes les difficultés éprouvées par nos amis et par nous même chaque semaine depuis des années (tellement cela a duré qu’on n’arrive plus à en compter) à chaque entrée au stade et à chaque sortie. Sur fond de sévisses, l’humiliation, le matraquage et les arrestations sont devenues un pain quotidien pour les supporters espérantistes. Pourquoi ? Simplement parce que nous étions les pionniers des groupes de supporters ayant annoncé le divorce avec le système violâtre du régime déchu.
D’ailleurs, une confidence policière sous couvert d’anonymat fut délivrée à l’un de nos membres suivant laquelle ils furent rappelés au renfort au courant de la rencontre. Notre témoin nous a assuré que la coupure d’électricité, dont fut accusé à tort notre club, était commanditée par les forces de l’ordre et ce pour subvenir à deux objectifs essentiels. Le premier étant de calmer les ardeurs. Le second, plus important, était d’assurer l’arrivée des renforts au stade. Deux objectifs atteints et la suite ne fut autre qu’un carnage réel sous le silence assourdissant imposé aux victimes. Quoi de plus tranchant pour faire éclater la vérité au grand jour.
Là, un arrêt s’impose pour revenir à la façon dont les médias lèche-botte ont traité l’affaire. Les acolytes du système nous ont sorti, comme à l’accoutumée, l’impuissance des forces de l’ordre (qui n’avaient que le désordre à semer) face à la « virulence négative » des supporters Sang et Or. Traités de tous les qualificatifs pourris qu’un journaliste puisse inventer ou répertorier, ils ont été diabolisés par toutes les mauvaises langues du système. Surtout le vicieux Adel Bouhlel et sa bande de lèches-bottes. Alors qu’en vérité, nos supporters ont été encerclés dans les travées du stade et tabassés à mort sans aucune distinction. Et ceux qui n’y ont pas laissé la vie furent arrêtés et condamnés après des procès expéditifs où les moindres droits constitutionnels de défense furent bafoués.
En ce moment de recueil, nous adressons tous les messages d’estime à nos victimes et nous les félicitons pour la liberté que nous avons acquis avec du sang. Une liberté qu’ils ont défendu mais qu’ils n’ont, malheureusement, pas eu l’occasion d’y goûter. Frères de sang, la nation toute entière vous salue. Et les supporters de l’Espérance ne vous oublieront jamais.
Il est évident, chers amis, que l’heure que nous vivons est cruciale pour notre patrie comme pour notre club. Et, par le sang de nos martyrs, nous vous sommons d’agir en responsables. Faites de notre galerie un exemple de respect et de dignité et ne songez jamais à reproduire la mauvaise copie égyptienne dont furent victimes nos compatriotes clubistes.
Il est, aujourd’hui, du devoir de chacun d’agir en responsable pour la sauvegarde de nos infrastructures qui ont tant coûté à nos bourses, pour la sauvegarde de l’esprit fair-play du football qui ne demeure, enfin, qu’un spectacle sportif où l’émulation en est l’essence et pour la préservation et l’ancrage des valeurs qu’incarne notre club. Des valeurs de loyauté absolue à la patrie, de lutte pour la dignité et la liberté. Ne spolions pas notre image pour une raison dérisoire.
Chers amis, la compétition, quelle que soit sa nature, est faite de victoires et de défaites. Mais la vraie victoire, qu’on garde en mémoire pour toujours, c’est celle des valeurs pour lesquelles du sang fut versé. Pour cela, agissons dignement par respect aux martyrs du 08 avril 2010. Que leurs âmes reposent en paix.